Antonín Dvořák
Sérénade pour cordes en mi Majeur
Josef Suk
Sérénade pour cordes op. 6 en mi b Majeur
Note de programme
Symphonies, sonates, fugues, canons, messes... L’histoire de la musique regorge de formes abstraites, architecturales, qui témoignent d’une pensée musicale concevant ses œuvres comme jadis on concevait des cathédrales. Toutes? Non! Parmi elles, une forme résiste encore et toujours et reste fidèle à ses origines radicalement poétiques! Car quoi de plus poétique qu’une œuvre destinée à s’élever jusqu’à l’être aimé pour le séduire? Une œuvre dans laquelle toutes les contraintes formelles sont abandonnées au profit exclusif de la musicalité, de la puissance mélodique, de l’élégance.... En un mot de l’amour!
La sérénade! Une tradition qui perdure depuis le moyen-âge et qui consiste à exprimer en musique son transport sous le balcon de l’être aimé. Pour un temps, la raison cède à la passion et la musique, éloquente, dit ce dont les mots sont incapables.
Pour un compositeur aussi romantique qu’Antonín Dvořák, la sérénade est une seconde nature. Son génie mélodique incomparable s’y déploie comme un poisson dans l’eau : élégance, souplesse et sensibilité caractérisent sa sérénade en Mi bémol Majeur. Sa forme libre en cinq mouvements nous balade et fait chavirer nos cœurs comme au premier amour.
Josef Suk, son élève et gendre, tchèque lui aussi, possède sans surprise les mêmes qualités. Sa sérénade est une œuvre de jeunesse qu’il écrira entre dix-huit et vingt et un ans, alors qu’il étudiait encore avec celui qui allait devenir plus tard son beau-père.
Si la qualité de l’écriture est remarquable pour un compositeur de cet âge, il est clair que son langage n’était pas encore à cette époque parvenu à maturité. En effet, si les deux premier mouvements sont encore très proches du style de Dvořák, on sent dès le troisième mouvement (terminé deux ans après les deux premiers) une évolution vers un style plus personnel, plus inventif et audacieux. Comme si l’amoureux transi avait tout d’abord déclaré sa flamme par une lettre un peu scolaire et qu’en chemin, s’enflammant, il s’oubliait dans une sublime improvisation.